INTERVIEW 2012 - LA MONTAGNE
C'est un homme aux semelles de vent et aux pinceaux pourtant bien enracinés dans la terre, la matérialité du monde. De son parcours professionnel, qui l'a notamment conduit à diriger l'école des Beaux-arts de Dakar, puis celle de Toulon, Claude Chaigneau a tiré l'enseignement du multiple, de l'expérience fructueuse. Deux notions qu'il a investies dans sa pratique artistique, poursuivie assidûment dans son atelier de Saint-Santin-de-Maurs.
Plusieurs dizaines d'années de créations picturales seront présentées aux Écuries du 4 avril au 9 juin. Comment avez-vous opéré votre choix ?
C'est ma première grande exposition dans le Cantal, même si j'avais déjà présenté des 'uvres, notamment aux Journées du patrimoine. Pour les Écuries, où les deux salles me sont ouvertes, je suis venu avec beaucoup de travaux. Dont les plus anciens remontent aux années 70. Mais il a fallu faire un choix, car il y en avait trop et l'ensemble risquait d'être étouffant. Du coup, j'ai choisi certaines 'uvres parmi les plus marquantes, celles, par exemple, qui sont représentatives d'une période de création.
S'agit-il d'une rétrospective ?
Non, c'est davantage un parcours, je ne suis pas encore mort ! Un parcours jalonné de moments, comme ces draps empreints de corps que je faisais dans les années 1970\1975, jusqu'à des travaux actuels.
Le corps est très présent dans vos travaux. Pourquoi cette source d'inspiration ?
Le corps est effectivement à l'origine de toute une série. C'était une façon de travailler sur l'empreinte, mais aussi sur le support, la transparence, l'envers et l'endroit. À la différence des « anthropométries » d'Yves Klein, qui demandait à des modèles de participer, là, il s'agit de mon corps. Que j'ai beaucoup décliné, avec souvent des citations, comme à l'homme vitruvien de Vinci par exemple. Quand il s'agit du corps, c'est toute l'histoire de l'art occidental qui vous tombe sur le nez. D'où Leonard de Vinci.
Cachées ou pas dans vos œuvres, on retrouve aussi des citations picturales du Caravage, Michel-Ange, Ingres… Pourquoi un tel recours ?
Même si j'ai fait partie du mouvement support\surface aux côtés de Claude Viallat, je ne vois pas de discontinuité dans mes travaux et l'histoire de l'art. Les citations dans mes œuvres me renvoient à toute l'histoire de l'art. Chaque geste implique avec lui toute cette histoire.
De retour de Toulon, vous avez élu domicile - et atelier - à Saint-Santin-de-Maurs. L'envie de vous fixer pour travailler ?
Nous habitons une petite maison achetée à mon retour du régiment, en 1968. Longtemps, elle est restée une maison de vacances avec mes différents postes, à Toulouse, au Sénégal, à Toulon. Nous nous sommes finalement installés ici qu'en 1999. C'est un lieu confortable et calme, avec un petit appentis juste à côté où j'aime travailler. Ce n'est pas vraiment un atelier. Juste un petit lieu avec un poêle à pétrole pour me chauffer l'hiver.
Votre métier d'artiste répond-il à un choix ou est-ce un « accident » ?
Vous savez, quand vous avez grandi dans le bassin houiller de Decazeville, pour vous en sortir, vous n'aviez à l'époque pas beaucoup de choix. Soit devenir préfet, soit coureur cycliste, soit… artiste. J'ai donc opté pour artiste !
Julien Bachellerie - La Montagne Publié le 29/03/2012